this is my story Callan qui n'avait à l'époque que 25 ans posa la bouteille de bière à côté de lui. Il était assis sur les marches de l'escalier qui menait au porche de la maison de sa mère. Le vingt-trois janvier, le jour qu'il détestera toute sa vie jusqu'à sa mort, c'est là que s'enchaîna la période la plus sombre que le jeune homme ait pu traverser.
Il avait les yeux rouges, le regard posé sur l'étiquette de la bouteille en verre. Il en avait arraché la moitié. Il était tellement énervé contre la destiné qu'il aurait bien put l'assassiner si elle avait été un véritable être humain. Il essuya les larmes qui humidifiaient ses joues et commença à se remémorer tout ce qu'il avait vécu. On dit souvent que lorsqu'on est sur le point de s'éteindre nous revivons notre existence grâce à nos souvenirs. C'est ce que fit Callan à ce moment-là. Pourtant, ce n'était pas lui qui décéda, mais sa pauvre mère. Ce n'est pas comme s'il l'avait vu venir, il rentrait comme chaque fin de mois lui rendre visite, lui apportant deux ou trois cookies. Personne ne l'avait prévenu, mais la femme qui importait le plus pour lui était morte à cause d'une tumeur il y a déjà deux semaines.
Mais pour vraiment comprendre à quel point le vingt-trois janvier marqua à tout jamais la vie de Callan il faut remonter à son enfance, à toutes les choses qu'il aurait voulus vivre avec sa mère mais qu'il n'a pas put à cause de la stupide loi qui ne se soucie même pas du désir de l'enfant, le considérant comme un moins que rien. Il est trop idiot pour penser après tout.
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Le petit était allongé sur le canapé, dans ses mains se logeait une gameboy et il s'amusait à appuyer sur tous les boutons sans vraiment comprendre les conséquences de ses actes. Un tank à terre, puis un autre, au final il ne savait même plus s'il devait les tuer ou les aider, il ne comprenait pas ce système technologique lui qui avait toujours préféré jouer en extérieur et s'extasier devant la beauté des paysages. Mais ce jour-ci il pleuvait, il n'avait donc trouvé aucun autre échappatoire que de se rabattre sur cette petite boîte clignotante qui devait sûrement avoir fait un énorme succès en Europe ou au Japon.
Callan avait d'ailleurs toujours rêvé de visiter ces contrées si lointaines, la culture était apparemment extrêmement différente, mais même si le jeune homme a toujours rêvé de voyager, il se contentait à l'époque de son Canada natal où tout le monde est gentil et s'intéresse plus au confort des autres que du siens. Puis, lorsque le garçon leva la tête de façon à fixer l'horloge il vit quelque chose qui le choqua. Son père était pendu aux lèvres d'une jeune femme inconnue. Elle devait avoir le même âge que madame Hadlow, mais Callan était bien certain que ce n'était pas sa mère, elle avait la peau plus claire et les yeux plus fins.
Le jeune garçon n'en revenait pas. Comment cet homme qu'il pensait être bon avait pu trahir sa mère, une femme si aimante et si incroyable, celle-ci ayant même des séquelles psychologiques à cause de la maltraitance qu'elle eut subit à son enfance. Il faut être délicate avec elle, son fils le savait et n'en revenait pas que l'homme qu'elle avait épousé se trouvait n'être qu'un lâche irresponsable.
Pendant deux années entières Callan se tût, il ne voulait pas rendre triste sa mère, elle lui avait tant offert et elle méritait bien mieux. Puis un jour il explosa, il n'arrivait plus à se contenir. Alors, il révéla tout à sa mère qui furieuse demanda le divorce à son mari et quelques dédommagements.
C'est pour ça que quelques mois après la famille autrement unie se retrouva dans cette petite salle, scrutée par des jurés et un juge. Le garçon ne passa même pas à la barre, personne ne prendrait en compte son avis alors autant ne pas perdre de temps à écouter sa voix hésitante. La seule chance qui semblait importer pour les spectateurs fut l'argent alors l'affaire fut bien vite close. Le père de Callan gagnait trois plus plus que sa mère, on déclara donc qu'il était plus apte à s'occuper de son enfant.
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Deux ans plus tard, sans que Callan n'ait vraiment le temps de comprendre ce qui lui arrivait, se retrouva dans une maison étrangère dans une ville inconnue. Londres, c'était grand, actif, bien trop pour lui. Son froid canadien lui manquait tellement mais c'était comme ça, il n'était qu'un enfant, il n'avait pas d'autres choix que de suivre son père partout où il allait et celui-ci avait choisis Londres. A vrai dire, il avait lui-même suivis sa maîtresse s'enfonçant ainsi dans un cercle vicieux. Il faut croire que chez les Hadlow personne ne prend vraiment de décisions, on se contente juste d’exécuter les ordres qui nous ont été donnés.
Le père de Callan avait donc rejoint son amante en Angleterre, mais le jeune n'était sûre de rien, l'homme était vraisemblablement volage, qui sait combien de fois dans sa vie il changea de conquête ? Mais celle qu'il fréquentait en ce moment semblait être assez engagé dans cette relation puisqu'elle avait demandé à lui et son fils d'emménager avec elle et ses enfants. Oui en effet, la petite-amie de l'ex mari infidèle avait déjà donné naissance trois fois de son côté ; deux belles petites filles et un charmant garçon. Ils avaient d'ailleurs à peu près le même âge que Callan et le jeune homme s'est toujours dit qu'il pourrait s'entendre avec eux, à vrai dire il avait toujours voulu avoir des frères et sœurs. La vie seul avec un console de jeu et quelques magasines n'a vraiment rien d'amusant contrairement à ce que l'on pourrait croire.
Callan grandit entouré de pas mal d'amour dans la famille à laquelle il appartenait dorénavant, malgré le fait qu'il n'ait jamais apprécié son traître de père et qu'il trouvait sa belle-mère bien trop autoritaire, il était globalement heureux. La seule chose qui le peinait c'était l'absence de sa mère, qui elle, vivait toujours à Toronto. C'est peut-être à cause de ça que le jeune homme aima encore plus sa mère. On dit que l'on se rend compte de ce que l'on aimait uniquement après ne plus l'avoir près de soi. C'est un peu ce qui se passa vis-à-vis de la mère du petit brun. Il se souvenait lorsqu'il était petit, à quel point elle avait adorable, à lui lire diverses histoires avant de s'endormir. C'est grâce à elle qu'aujourd'hui il est devenu reporter.
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Puis, le jeune homme continua à grandir dans ce qui lui servait de famille et devint bien vite un adulte. Lorsqu'il eut la majorité, il n'hésita pas un seul instant et partit pendant deux ans à la conquête du monde. Il vit l'Asie, l'Afrique, l'Amérique, l'Europe et l'Océanie et acheta dans chaque ville dont il fit la rencontre de nombreux vinyles de musiques locales. Callan a toujours adoré à quel point une simple musique peut vous transporter dans un univers complètement différent du vôtre. Puis, pour se laisser complètement porter par le son, il n'y a rien de mieux que d'écouter l'authenticité grésillante des vinyles.
Mais après avoir vu tant de choses, il n'avait qu'une envie c'était de rentrer chez lui, dans son Canada natal à parler à sa mère, elle lui avait tant manqué, il avait de si nombreuses choses à lui raconter. Pour se rapprocher plus d'elle, il s'installa à Toronto et commença ses études dans l'espoir de devenir journaliste.
Tout se passa pour le mieux, Callan finit même très vite par trouver un travail pour une chaîne d'information canadienne assez importante. Il semblait avoir craqué pour son dévouement et sa détermination. A cause de ses récents déplacements, il ne vivait presque plus dans son studio, un jour à Paris dans un hôtel, un autre au Kenya chez un habitant. Il n'était plus jamais sûre de ce que l'avenir lui réserverait, il vivait au jour le jour et il n'avait aucun problème avec ça, jusqu'à ce qu'arrive le vingt-trois janvier, celui qui remit tout en question.
Callan était revenu d'un long vol venant de Wellington et une fois arrivé à Toronto, il n'y avait plus qu'une seule chose qui lui importait, c'était de raconter comme chaque mois ses aventures à sa mère. Ce genre de banalités qu'il aurait voulu faire lorsqu'il était jeune mais qu'il n'a jamais pu à cause de la distance. Les frais de téléphones étaient plutôt chers et aucun des deux ne pouvait se permettre cette dépense.
Sauf que lorsque le jeune homme poussa la porte de la maison dont il avait les clés, il ne vit que le parquet propre, les bibelots sur le bar de l'entrée bien trop alignés et aucun aboiements venant de Simon et Garfunkel, les deux chiens que possédait la propriétaire de la maison.
C'est lorsque la voisine lui expliqua la situation que Callan comprit vraiment à quel point il n'aurait jamais dû favoriser son travail à sa mère. Il aurait pu être proche d'elle jusqu'à ses dernières heures, lui dire au moins adieu, au lieu de ça il devait interroger celui-ci ou celle-là pour informer les spectateurs si incultes.
Elle avait une tumeur, le canadien n'était pas médecin, mais pas pour autant idiot, il savait que cette chose n'était pas comme une crise cardiaque, c'était prévisible, on lui avait volontairement caché la vérité pour le préserver ou ce genre de choses stupides. Il en avait simplement marre que l'on prenne sa défense, on n'a jamais pris en considération son avis de toute façon et on ne le prendra jamais, peu importe qu'il soit un enfant ou non, au final, personne ne veut entendre les pensées d'un misérable comme lui, trop solitaire pour avoir des amis ou une femme.
Il était tellement triste, ils avaient encore tant de choses à faire ensemble, tant de choses à voir et découvrir ensemble. Il avait juste envie de tout exploser, de tout casser, de faire comprendre à l'univers qu'il était injuste, qu'il avait choisi la mauvaise cible. Entre temps, il avait acheté des boisons, un peu de tout, tequila, whisky, bières même du rhum, tout ce qu'il avait trouvé dans la petite épicerie du coin en fait. Il n'était pas un grand partisan de l'alcool, il ne l'avait jamais vraiment été. Oh, comme tout le monde il lui arrivait de boire une bière de temps en temps en regardant la vue et en songeant à sa vie, mais pas plus que ça. Mais il fallait croire qu'à ce moment précis, Callan n'avait pas trouvé quelque chose d'autre à faire pour tuer son chagrin, après tout, une noyade ne se fait pas sans eau.
C'est ainsi qu'après avoir bu les alcools les plus forts qu'il avait acheté et jeté quelques bouteilles sur la porte de la maison qu'il avait jugé maudite, le reporter se retrouva une bière à la main, assis sur le perron assombris par la luminosité nocturne.
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Une, deux, puis trois bouteilles, il n'y avait plus rien pour le stopper. Plus il buvait et plus il sombrait dans une dépendance dont il ne pouvait pas s'échapper. Cela faisait trois mois que l'ancienne Mrs Hadlow était morte. Callan ne travaillait plus vraiment, il n'était plus jamais volontaire pour les dangereuses missions. Il ne se sentait plus invincible maintenant, il ne ressentait plus cette immortalité juvénile, il était si facile de se chopper une tumeur et de crever comme un idiot après tout.
Il ne parlait plus à personne, il s'isolait totalement, il ne voulait plus que voir son verre de gin et éventuellement quelques photos qui lui donnaient des fois encore espoir en la vie. Il avait encore ce rêve, une part d'insouciance résistait tout de même à la puissance de la boisson qui lui faisait perdre la tête.
Un an, puis deux ans, un verre, puis deux verres, le temps passait si vite, les bouteilles étaient vides si rapidement. Il était clair que Callan n'avait toujours pas tourné la page. Il avait démissionné, à vrai dire il avait été renvoyé, mais son patron ne souhaitant pas payer les frais de départ lui avait demandé de quitter volontairement, Callan n'avait rien à perdre après tout et préférait ça à un scandale qui renforcerait son mal de crâne. Il avait déjà songé quelques fois à déménager, mais cela impliquait bien trop d'efforts pour lui, il préférait regarder les informations en huant le travail de ses anciens collègues. Il regrettait le temps où il était l'un d'entre eux, mais sa peine partait souvent entre deux bouteilles de bourbon.
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Lorsqu'un jour Callan accompagné de diverses sortes d'alcool alla rendre visite à sa mère au cimetière où elle gisait, il fit une rencontre heureuse qui lui sauva la vie. C'est grâce à ce jour-ci qu'il a réussi à se ressaisir, à redevenir quelqu'un au lieu de rester simplement un squelette qui n'avait pas vu la lumière du soleil depuis quelques semaines.
Il fixait la tombe de pierre quand une voix féminine le tira de ses pensées dramatiques. Elle racontait des choses si douces et si belles dans une langue qu'il connaissait bien. C'était du français, s'il comprenait tout ce qu'elle disait c'est, car, étant proche du Québec c'était un peu une obligation pour lui de parler la langue des rois de Versailles.
La demoiselle avait un manteau noir et une écharpe de la même couleur, se cheveux aussi étaient bruns, attachés en une longue tresse mal faite dont quelques mèches s'envolaient au vent et fouettait son visage à chaque fois, rendant sa prière bien plus difficile. Callan et sa curiosité ne purent s'empêcher de fixer le nom inscrit sur la stèle et selon les dates de naissances se devait probablement être sa mère, tout comme lui. La date de mort n'était pas vraiment récente et pourtant la jeune femme semblait encore en être perturbée. Il ne put se retenir de lui parler, se voulant compréhensif. Ces dernières années il avait l'impression que personne n'avait été capable de le comprendre et pourtant cette personne, cette inconnue semblait avoir traversé les mêmes épreuves que lui. Par chance elle avait trouvé une autre solution que de se plonger dans la dégustation de liqueurs diverses et variées.
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Je comprends ce que ça fait" Murmura-t-il.
Elle tourna la tête vers lui, le dévisageant comme s'il était un alien ou ce genre de monstruosité.
"
Personne ne peut comprendre, ma mère est morte, c'est tellement dur à dire.-
La mienne aussi. -
Pourquoi ce sont toujours les meilleurs qui partent en premier?-
Parce que la vie est une garce. "
Puis ils continuèrent ainsi, sans s'arrêter. Ils étaient chacun assis en tailleur dans ce cimetière, à côté des tombes de leurs mères respectives à vanter leurs mérites en se partageant une bouteille que Callan avait bien entendu apporté avec lui.
"
Ce n'est pas ce que voudrait ta mère, je ne pense pas qu'elle aimerait te voir plonger dans l'alcoolisme.-
Je ne suis pas alcoolique.-
Tu avais trois bouteilles de tequila dans ta sacoche, tu as les yeux rouges et avec tout ce que tu as bu tu n'es même pas ivre, je ne suis pas une idiote."
Il prit une inspiration et ne répondit pas. Il y a des moments où il faut voir la vérité en face et avouer ses faiblesses alors c'est ce qu'il fit. Il livra tous ses doutes et ses pires craintes à cette jeune femme qu'il connaissait à peine. Il se sentait si proche d'elle, il faut croire que la douleur les unissait. C'est ce jour-ci que Callan rencontra sa confidente, sa meilleure amie, celle qui lui manquait pour être heureux, elle était un peu comme une petite soeur qu'il chérissait. Il n'a jamais rien ressentis d'amoureux pour elle, elle l'a aidé, il lui en sera toujours reconnaissant, mais les gens changent, ils grandissent et partent.
Avec l'aide de la jeune fille du cimetière, Callan commença une longue thérapie pour se soigner. Il finit son traitement, mais ne pouvait plus vivre à Toronto. C'était bien trop dur pour lui, comment ne pas repenser automatiquement à toute la misère et l'horreur qu'il eut vécues là-bas. Alors il partit sur de nouvelles bases, il choisit une ville plutôt lointaine de Toronto. Il porta sa destination sur les États-Unis, car l'anglais étant sa langue natale, l'Angleterre lui rappelant son père, le Canada lui rappelant sa mère et l'Australie étant clairement en dessous de ses moyens il n'avait pas vraiment d'autres possibilités.
C'est à Neptune qu'il décida de s'installer, ignorant complétement l'histoire de la ville, de commencer sa nouvelle vie palpitante. Il regretta tout de même un peu Toronto, surtout sa meilleure amie qu'il laissa là-bas, mais malgré le fait qu'elle l'ait transformé en un homme bien mieux, elle lui rappelait constamment l'être minable qu'il fut un jour et la voir était tout autant une torture qu'un plaisir. Ils ont essayé de garder contact, mais sans succès, depuis il n'a plus de nouvelles d'elle, il n'a aucune idée de ce qu'elle fait ou de son état.
Callan a réussi à retrouver un travail en tant que reporter après quelques mois de recherches et maintenant dans sa vie tout va pour le mieux, même s'il reste faible et fragile et a toujours peur que ses démons le rattrapent. Alors, il reste froid et s'enferme dans sa petite carapace, il a un peu toujours été comme ça de toute façon. Il n'a aucune idée de ce que sa destinée lui réserve, mais il continuera à penser et ceci jusqu'à la mort, que "La vie est une garce".